Omer Parent (1907-2000)

Omer Parent, Autoportrait, v.1940
Épreuve à la gélatine argentique, 21,4 x 16,4 cm
Musée national des beaux-arts du Québec, Québec
Parmi les figures emblématiques en arts visuels à Québec au milieu du vingtième siècle, Omer Parent se démarque par une longue et fructueuse carrière dans l’enseignement. Artiste plutôt aventurier, tel qu’il se dévoile dans un Autoportrait photographique, v.1940, son étoile aura moins brillé sur la place publique que celles de ses confrères et camarades de la même génération, Alfred Pellan (1906-1988) et Jean Paul Lemieux (1904-1990). Il est embauché en 1936 comme professeur en arts publicitaires à l’École des beaux-arts de Québec (ÉBAQ), où il enseignera pendant trente-huit ans, avant d’assumer la direction des études de 1949 à 1964, puis d’être nommé directeur fondateur de l’École d’art de l’Université Laval en 1970.


Sa pratique artistique morcelée et multidisciplinaire ne profite guère d’une grande diffusion de son vivant. Pourtant, lorsqu’on fait le bilan de la contribution de Parent en graphisme, en décoration intérieure, en cinéma d’auteur, en photographie et en peinture, son œuvre artistique et pédagogique est riche, originale et moderne, voire initiatrice des nouvelles pratiques pluridisciplinaires qui s’épanouiront au cours des années 1970 dans le réseau des galeries parallèles à Québec.
Parent est formé à la toute jeune ÉBAQ à compter de 1922 et obtient, en 1926, une bourse d’études qui l’amène à l’École des beaux-arts de Paris, un honneur qu’il partage cette année-là avec son condisciple Pellan. D’abord admis en architecture, le Québécois découvre avec passion l’école multidisciplinaire du Bauhaus et l’architecte français moderniste Le Corbusier (1887-1965), et se réoriente en dessin de publicité chez des affichistes célèbres, dont René Vincent (1879-1936); en témoigne son Illustration pour l’affiche « Have a Camel [Fume une Camel] » de 1926. À son retour au Canada, Parent travaille de 1929 à 1936 comme artiste-décorateur pour le grand magasin montréalais Henry Morgan & Company où il conçoit des projets de décoration, comme Proposition de décoration pour le salon de beauté du magasin Henry Morgan, 1935.

Au cours des années 1930 et 1940, Parent cultive un intérêt marqué pour la photographie et le cinéma. Il pratique notamment la photographie d’art sur supports argentiques, en font foi les images Un coin de Québec, v.1937, jouant sur les contrastes, et L’arbre abattu, 1940, qui convie à une certaine audace de point de vue. À son retour de l’Exposition universelle de 1937 à Paris, Parent réalise et produit un film expérimental intitulé La vie d’Émile Lazo, qui porte sur la condition de l’artiste moderne évoluant dans le contexte conservateur de l’enseignement académique et de la mainmise du pouvoir politique et religieux sur l’art. Le film d’humeur satirique et burlesque dénonce la censure qui affectait les artistes jugés « trop » modernes dans la société québécoise du temps. La participation à La vie d’Émile Lazo de professeurs et d’artistes gravitant autour de l’ÉBAQ témoigne du mouvement de contestation qui pointait dans la capitale, en réaction à la Loi du cadenas, une décennie avant que les groupes montréalais ne publient leurs manifestes Prisme d’Yeux et Refus global en 1948.
Le Musée de la province de Québec (aujourd’hui le Musée national des beaux-arts du Québec) a collaboré à la diffusion de la peinture de Parent. En 1944, l’institution fait l’acquisition d’une chatoyante composition cubiste créée la même année, Nature morte, et lui consacre deux expositions particulières, en 1966 et en 1976. La reconnaissance de son travail en art graphique, en photographie et en cinéma viendra plus tard, à la faveur de l’intérêt que la recherche porte au décloisonnement de la pratique artistique à Québec.