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Samuel de Champlain (v.1570-1635)

Samuel de Champlain

Samuel de Champlain et David Pelletier (graveur), Carte géographique de la Nouvelle France faite par le sieur de Champlain Saint Tongois capitaine ordinaire pour le roy en la marine, 1612
Gravure sur papier, 50,2 x 81,5 cm

 

Tirée du livre Les voyages du Sieur de Champlain Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine, Paris, Jean Berjon, 1613
Norman B. Leventhal Map & Education Center, Bibliothèque publique de Boston

La grande Carte géographique de la Nouvelle-France gravée par David Pelletier, la plus célèbre œuvre dessinée de Samuel de Champlain, exemplifie la richesse iconographique du récit visuel créé par l’explorateur français. En plus d’être navigateur et géographe pour le roi de France, celui que l’histoire retient comme le fondateur de la ville de Québec en 1608 est dessinateur et peintre, de même que cartographe de terrain, sollicitant l’appui d’alliés autochtones pour tracer ses avancées dans le territoire. Les vingt-trois cartes qu’il a dessinées constituent les premières cartes modernes du nord-est de l’Amérique du Nord.

 

Page titre de l’ouvrage Les voyages du sieur de Champlain, Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine, de Samuel de Champlain, Paris, Jean Berjon, 1613.
Louis Nicolas, « La petite chouette », s.d., encre sur papier, 33,7 x 21,6 cm, illustration du Codex canadensis, page 51, Gilcrease Museum, Tulsa.

Réalisées dans un style sobre et élégant, ces représentations symboliques visent d’abord à donner des indications aux marins pour faciliter la navigation le long des côtes de la Nouvelle-France. Elles sont également précieuses pour leur iconographie. À Paris, en 1613, un an après la confection de la Carte géographique de la Nouvelle-France, Jean Berjon en publie une édition gravée dans Les voyages du Sieur de Champlain Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine, dans lequel l’explorateur rapporte ses voyages de 1604 à 1612.

 

Au début des temps modernes, « posséder la carte, c’est posséder la terre » : les cartes géographiques sont des œuvres d’art au service du pouvoir en même temps que de redoutables armes impérialistes et intellectuelles. Pour Champlain, le dessin est un atout précieux pour représenter des contrées qu’il explore. Dans la carte de 1612, il rend compte des reliefs, arbres, cours d’eau, îles et habitations qui ponctuent le littoral. La composition du cartographe figure vingt-six espèces de plantes, accompagnées de mammifères terrestres et marins. Leur caractère descriptif, dans le goût des illustrations que le jésuite Louis Nicolas (1634-après 1700) allait bientôt dessiner, en fait des motifs qui dépassent le simple ornement. Plusieurs graveurs ont toutefois travaillé sur les cartes dessinées par Champlain, comme Pelletier, sans doute en ajoutant des détails visuels dont l’attribution est aujourd’hui ardue à établir.

 

Samuel de Champlain et David Pelletier (graveur), Défaite des Iroquois au Lac de Champlain, s.d., gravure sur papier, 19 x 25 cm environ, tirée du livre Les voyages du sieur de Champlain, Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine, de Samuel de Champlain, Paris, Jean Berjon, 1613.

La Carte géographique de la Nouvelle-France révèle la vision européenne réductrice et stéréotypée de la figure autochtone, non pas appréhendée dans sa nature spécifique, mais dans la dualité de son mode de vie : ou nomade, avec les figures dites montagnaises portant aviron et canot, ou sédentaire, axé sur l’agriculture et la chasse, avec les figures almouchicoises arborant maïs et courge, ainsi que flèches, arc et carquois. Certaines « erreurs ethnographiques » se glissent dans ces représentations. C’est le cas du dessin intitulé Défaite des Iroquois au Lac de Champlain, 1613, dans lequel Champlain se met en scène maniant l’arquebuse, au centre d’une composition tout en mouvement et ponctuée d’intrigants motifs de palmiers.

 

Le spécialiste de l’art de la Nouvelle-France, François-Marc Gagnon, a démontré que les originaux de Champlain étaient retravaillés par des dessinateurs en vue de leur publication, et souvent augmentés de motifs les rendant plus attrayants; à l’exception de la seule carte manuscrite originale, 1606-1607, conservée à la Bibliothèque du Congrès à Washington, l’ensemble des œuvres graphiques de l’explorateur sont des copies, manuscrites ou gravées. Avant d’être un compte rendu véridique de ce que l’explorateur aurait vu et rapporté, ces cartes témoignent des valeurs de ceux qui les ont créées, en phase avec leur temps, un dix-septième siècle pétri de conquêtes territoriales, d’hégémonie chrétienne et de capitalisme naissant.

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